Suites menageres»
C’est quand la nuit se dissipe doucement, au creux de l’instant doux et cotonneux. C’est votre bras qui s’etend a toutes les premieres lueurs du jour, une main ayant besoin d’ sous les couvertures. Et qui ne voit que dalle. La philosophe Claire Marin consacre votre essai aux etres rompus. A ceux dont les petits matins arrivent comme un mauvais reve, nimbe d’une lumiere vraiment trop crue, limite acide, qui degouline dans un lit, eclaire 1 berceau, un regard, un bide, 1 pays. L’ensemble de, vides. Ou alors, peuples d’inconnus. Splendeur matinale en vacuite. Notre rupture recommence sans cesse, litanie des matins, de ceux qui suivent le commencement de l’amour, des bambins, nos matins suivant votre mort, l’exil, la maladie, l’accident, la perte de travail…
Dans une societe qui valorise la duree determinee, l’adaptabilite, la flexibilite, on peut plier mais on ne rompt pas. Ou alors, la rupture est tue, la sacree, la rupture existentielle. Celle dont cause la philosophe Claire Marin : 1 «cataclysme interieur», un point de non-retour, qui modifie en profondeur la question, claque vaciller, le reconfigure. Elle serait niee, ou aussi maquillee de consentement mutuel Afin de devenir rupture conventionnelle, reduite a n’etre plus qu’une bifurcation dans un parcours, votre rebond. Elle devient acceptable socialement, banale, statistique. Pire bien, elle nous rendrait plus extri?mement ! Et c’est la que le livre Rupture(s) (Editions de l’Observatoire) de Claire Marin fait du beaucoup. D’abord, elle ose penser que i§a fait mal. Vraiment en gali?re. Elle laisse une place a la violence du manque, a une telle mecanique implacable, qui dit en creux combien la question se construit dans la relation, dans l’echange, dans l’amour. Et meme une rupture voulue est rarement indolore. Puis elle previent d’emblee, «je resisterai […] a Notre tentation de l’optimisme», «la rupture n’est des fois qu’un gachis, une absence de courage, une pure lachete, 1 renoncement». Et tant qu’a faire, explique-t-elle, l’histoire begaie, des felures intimes, infantiles se reouvrent, les echecs se repetent, les ruptures viennent en cascade. Non, «parfois, nous n’apprenons rien d’un echec». Quant a savoir De quelle fai§on s’en sortir, la encore, elle ecrit : «Il n’est gui?re assure que ce soit toujours possible. On meurt encore d’amour.» Pourquoi nous menager, apres tout ? La philosophe, qui s’est interessee a Notre rupture a la suite de ses travaux via la maladie et le deuil, reperant identiques effets devastateurs sur la question, decortique l’effondrement, le saccage, la devastation du monde des «etres brises» et «defigures» par la rupture, la «destruction en regle de l’ego», terrasse, voue a une existence fantomatique. Elle s’arrete via la sensation : celle d’un arrachement. La rupture reste ce dechirement une chair, votre c?ur qui se sert, une telle gorge qui se noue, votre etreinte d’une nausee. Elle analyse votre haut-le-c?ur que produit la vue du familier qui se teinte d’etrangete, quand l’etre aime s’evanouit, deserte l’intime, avant de devenir veritablement un inconnu. Faire le deuil de quelqu’un qui pourtant ne meurt pas, de quelqu’un qui s’est simplement depris, detourne, ou de l’etre aime qui est la, bien vivant, mais que la maladie d’Alzheimer a comme efface. Mais aussi, revenir au pays qu’on a fui, et s’y sentir etranger, etre voue a n’etre a demeure nulle part. Voila, l’alterite s’immisce, parfois sans fracas, puis grossit, s’installe. A la fin, tout est meconnaissable. Rien n’a change, ainsi, pourtant, tout a change. Le quotidien interrompue reprend, ou feint de reprendre, hantee, truffee des indices de l’absence. Ce petit balcon, ces rochers, ces chansons existent toujours, presque indemnes, presque intactes, pourtant ma philosophe decrit combien toutes ces trucs autrefois cheries, deviennent lacerations. «Il ne suffit aucune partir d’un lieu pour qu’il cesse de nous habiter. Il ne suffira aucun quitter un homme pour oublier sa peau.» Alors pourquoi rompt-on ? Pour fuir une famille oppressante, pour se sauver, pour ne plus etouffer, pour se sentir vivant, libre de ses choix… «On dechire dans le tissu de la vie commune ou les identites des uns et des autres se seront si etroitement melees que plus personne ne sait vraiment ou il commence et ou l’autre s’arrete. Mais celui qui veut rompre croit le savoir.» Autrement evoque, on rompt concernant etre vraiment soi-meme, coincider avec ce que l’on est, ou pense etre. Dans l’hypothese ou un «soi» existe, constant, immuable. Pari risque. A l’inverse, on va pouvoir rompre Afin de devenir nouvelle, Afin de delaisser sa propre identite devenue decevante ; on rompt concernant se fuir soi-meme.
Est-on aujourd’hui dans une societe une rupture ?
Les ruptures paraissent dorenavant sur la totalite des plans : avant, si on perdait le article, on pouvait se raccrocher a sa famille. C’est tel si tout etait devenu instable, incertain, precaire, sans refuge. Professionnellement, amoureusement, aussi politiquement… Tout s’est accelere, les relations seront plus ephemeres, nos ruptures plus rapides, voire, desfois, elles n’existent nullement : l’individu disparait simplement.
Vous parlez du phenomene «ghosting», «un nouveau nom Afin de une vieille lachete», ecrivez-vous…
Prendre moyen d’une separation n’est parfois meme plus une realite. Et l’ensemble de ces mots autour des separations par consentement sont dans la negation d’une realite Chien veulent application dating. Une grande majorite de separations paraissent au minimum d’une grosse violence psychique, au moins Afin de un des deux membres de l’ancien couple. Puis on sent une sorte de froideur dans la societe. C’est devenu tellement generalise, banal, qu’on reste au deni d’une souffrance qu’une rupture provoque. Ainsi, en divorces, la souffrance des enfants est une question vite evacuee desormais, on evoque qu’ils s’adaptent… Et on se concentre concernant des questions confortables.
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